Quenettes sur la plage

TRANSFORMER L’ESPOIR EN REALITE

— C’est assez concret pour toi maintenant ?

— Oh oui ! Ça y est, c’est plus que concret ! En prononçant ces mots, mon regard se perdait dans le bleu de l’océan. Sur cette plage de la ville du Moule, en Guadeloupe, je le sentais au plus profond de moi, j’étais là où je devais être. J’étais en sécurité. J’étais chez moi.

Tout avait commencé il y a six mois entre les murs du cabinet parisien de la thérapeute avec qui je venais chaque semaine essayer de démêler les fils dans lesquels s’était empêtrée mon existence au fur et à mesure des années.

Un mariage, pour des mauvaises raisons et avec la mauvaise personne, qui s’était soldé il y a deux ans par une fuite quasi-rocambolesque avec trois valises et deux « presqu’ados mais pas tout à fait ». L’enlévement de l’ainé par la belle-famille, enquêtes sociales, médiation, tribunal, psy jusqu’au jugement salvateur qui m’avait enfin rendu l’enfant que j’avais perdu sous la forme d’un ado haineux dont la colère essayait de remplir à grand-peine le vide de son monde qui avait volé en éclats.

Toutes les sept semaines le cycle reprenait. La réservation des billets de train afin qu’ils partent chez les grands-parents car leur père n’avait ni le temps ni l’envie de s’occuper d’eux. Le plus jeune ne voulait pas y aller, commençait à se plaindre de maux de ventre, de maux de tête. Puis leur retour avec un grand rempli de rage. Petit à petit la tranquillité d’un quotidien bien réglé apaisait les choses jusqu’à la préparation des vacances suivantes où tout était à recommencer.

— Comment les sortir de ce cercle infernal de haine avant qu’elle ait pu les ronger totalement ? Comment leur donner une chance de vivre dans la sérénité ?

— Il faut partir. Loin et vite avant que les dégâts ne soient trop irréversibles.

Les stations bariolées et les quais sombres du métro défilèrent sans que je les voie tant mon cerveau tournait à n’en plus finir. Partir, oui mais comment ? Où ? Sans parler du choc pour les enfants, la famille et je n’oubliais pas non plus mon nouveau compagnon. En plus, je n’avais jamais quitté la France, jamais pris l’avion, jamais voyagé. Ce n’est pas que je ne voulais pas mais pour moi cela faisait partie d’un autre univers, totalement inaccessible pour quelqu’un comme moi.

Un tantinet nerveuse, je commençai à en parler à mon Chéri. Lui, le casanier dont j’avais déjà bousculé l’existence de vieux garçon en arrivant dans sa vie avec mes garçons, mes parents, cousines, copines, connaissances… sans oublier le cortège composé de l’ex-mari et de sa famille, tous plus revanchards les uns que les autres. Je vis les rouages de ses méninges tourner pendant qu’il m’écoutait et aussi surprenant que cela puisse paraître, non seulement il ne fit aucune objection mais c’est avec enthousiasme qu’il me répondit qu’il était tout à fait d’accord pour tenter le coup.

Il y mit quand même une condition non-négociable, il fallait que ce soit dans un endroit chaud. Nous étions au mois de janvier et il ne supportait plus le gris, le froid et la pluie hivernale. Surprise par cet accord auquel je ne m’attendais pas du tout, je pris mon courage à deux mains et me lançait pour la première fois de ma vie dans un projet qui me ferait sortir totalement de ma zone de confort.

Tout d’abord, choisir la destination. Il fallait que ce soit en France pour rester dans le cadre légal et surtout pour que les enfants ne soient pas trop dépaysés par la langue et le programme scolaire, de plus je voulais prendre en compte les trajets qu’ils feraient pour voir leur papa. Je ne voulais pas qu’ils aient plus de huit ou neuf heures d’avion et évidemment pas d’escales. Bingo ! La Guadeloupe était l’île qu’il nous fallait !

Ensuite, tâter le terrain avec les garçons. A mon grand soulagement, ils se montrèrent de suite intéressés par le projet. Chacun pour des raisons différentes mais l’envie était là et c’est ce qui comptait véritablement. Du coup nous pouvions fixer une date de départ et nous jeter véritablement à l’eau en passant aux choses sérieuses comme réserver les billets d’avion, chercher une maison, s’occuper de l’entreprise de déménagement, prévenir nos emplois respectifs, le collège…

A ma grande surprise (ainsi qu’à celle de ceux qui me connaissaient depuis toujours), j’arrivais à tout gérer, organiser et j’avais même créer un blog qui relatait les préparatifs de notre grande aventure. Moi, la timorée, la craintive, je faisais de ma vie une succession de premières fois, osant faire de chaque journée une nouvelle aventure

sur le chemin de la grande qui me tenait tant à cœur. Car oui, je m’étais prise au jeu au point d’oser me projeter dans un univers auquel je n’aurais même jamais pensé rêver un jour.

Tous les obstacles se levaient les uns après les autres, qu’ils soient administratifs, financiers ou pratiques. Nous étions tous portés par une énergie indescriptible et chaque étape était une formalité que nous effectuions sans peine. Toutefois, lorsque je me retrouvais seule et que je commençais à laisser mon esprit battre la campagne, l’anxiété et l’angoisse m’envahissaient totalement. En effet, bien que mon ex-mari ait accepté notre prochain déménagement à la condition que je renonce à demander quoi que ce soit sur la vente de la maison ou comme prestation compensatoire, je vivais dans la peur qu’il change d’avis juste avant le départ. J’étais terrifiée et plus la date approchait, moins j’arrivais à me raisonner.

Le jour du départ arriva enfin. Adieux aux proches, nuit d’hôtel à l’aéroport, enregistrement, embarquement. Contrairement à ce que j’avais imaginé, tout se déroula parfaitement. Premier décollage, premier vol, premier pied posé sur un sol totalement inconnu et première nuit passée dans notre nouvelle maison, à chaque fois mon Chéri me demandait si mon rêve était assez concret pour moi maintenant. Mais à chaque fois ma réponse était la même : non pas encore. Jusqu’à ce matin intense et magique où je me retrouvais debout, face au scintillement de l’océan brillant sous le soleil des Antilles…

2 thoughts on “TRANSFORMER L’ESPOIR EN REALITE”

  1. Oh même chose ! Ce premier matin à Sainte Anne reste un rêve. Quel bonheur de sentir ce soleil sur la peau ! De voir ces pélicans se poser ! Bref, comme tu le sais, j’ai adoré. Et puis ça m’a permis de t’y rencontrer.

    1. Oui, quand j’y pense je ressens tellement ce moment que j’ai l’impression que c’était hier alors que c’était il y a 15 ans déjà. Et pour moi pareil, ça m’a permis de t’y rencontrer 😉

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