POUR L’AMOUR D’UNE VOUIVRE

De nos jours, nous vivons une époque où l’information et le savoir sont à la portée d’un clic. On pourrait croire que certaines créatures mythiques ne se rencontrent plus que dans les livres pour enfant. En effet, qui croit encore aux fées et autres croque-mitaines des siècles précédents ? Et pourtant, mon histoire vous prouvera que certains êtres ne sont pas qu’une invention du fond des âges, ils existent et j’ai perdu mon frère à cause de l’un d’entre eux.

Tout a commencé alors que nous devions choisir une nouvelle destination de vacances. Impossible de rester en ville après ces mois d’enfermement dû au Covid, alors, quand un ami nous proposa sa maison pour l’été en échange de quelques travaux, nous avons sauté sur l’occasion et nous nous sommes retrouvés ainsi dans une belle villa jurassienne surplombant les eaux émeraude du lac de Vouglans.
Après une semaine de bricolage intense, nous pûmes enfin faire une pause et partir à la découverte des lacs, grottes et rivières de la région. Quel coin magnifique le Jura ! Une palette de bleus, de verts sans oublier le turquoise ou l’anis, chaque découverte surpassait la précédente en sérénité. Un plaisir inégalé pour les photographes que nous étions et cela jusqu’au jour où nous avons eu le malheur de croiser Cléo.

C’était un soir, à la cascade des tufs. Alors que la nuit venait tout juste de tomber nous avions entendu comme un bruit de plongeon venant du bassin alors que nous savions pertinemment qu’il n’y avait personne quelques minutes auparavant. Alors que j’avais refusé de suivre mon frère car j’étais persuadé qu’il ne s’agissait que d’un poisson ravi de retrouver le calme après le départ des touristes, ses appels me firent revenir en courant sur mes pas.

C’est un rire cristallin qui m’accueillit tout d’abord. Mon jumeau, d’habitude si discret, n’arrêtait plus de parler et la jeune femme qui lui tenait compagnie lui répondait comme s’ils avaient été les plus vieux amis du monde. Nous n’avions que la lune et nos lampes frontales pour éclairer la scène mais malgré cela, je compris de suite la raison pour laquelle il était si disert. Cette fille était magnifique ! Pas le genre de physique que l’on trouve sur papier glacé, non. Une beauté brûlante, lumineuse et tellement sensuelle. Encore mouillée après sa baignade, elle s’était rhabillée sans se sécher et  sa petite robe estivale collait à son corps sans qu’elle paraisse gênée ou même effrayée de se retrouver ainsi seule avec deux hommes. De longs cheveux noirs cachés par un foulard, une peau mate, admirablement proportionnée et des yeux extraordinaires. Deux saphirs étoilés, brillant d’un éclat indéfinissable qui vous aimantaient autant qu’un papillon peut l’être devant une flamme. 

En l’occurrence, c’était mon frangin qui tenait le rôle du lépidoptère et à voir son air béat je n’avais déjà aucun doute sur l’issue de cette rencontre. C’est à regret qu’il la quitta ce soir-là après un échange de numéro et surtout la promesse de se revoir au plus vite. Comme de bien entendu il ne se passa pas une heure avant qu’ils échangent leurs premiers textos et plus une balade ne se fit sans Cléo les jours suivant.
Bon, pour être honnête, sans elle nous n’aurions pas eu d’aussi belles vacances. Elle connaissait admirablement bien la région et lorsqu’elle était présente les choses les plus simples de la vie devenait féériques et pleines de magie. Tout semblait scintiller autour d’elle, son aura était incroyable. Quant au frérot, il était amoureux, tellement fou d’elle qu’il se voyait déjà s’installer ici afin d’y refaire sa vie. Le pire était qu’il s’éloignait de plus en plus de moi. Il voulait passer du temps avec elle et seul de préférence.

Dans l’absolu ça ne m’aurait pas posé de problèmes mais quelque chose me dérangeait. Cette Cléo, je ne la sentais pas et je vous assure que ça n’avait aucun rapport avec le fait que mon frère et moi avions une relation fusionnelle depuis notre naissance. Non, en fait je la trouvais étrange, si différente de nous et puis nous ne savions rien d’elle en dehors du fait qu’elle adorait se baigner seule dans le bassin de la cascade des Tufs chaque soir. Un jour, je décidais d’en avoir le cœur net et de la suivre afin de savoir où elle habitait et surtout avec qui. Une fois de plus ils étaient partis se promener seuls dans la nature, j’en avais profité pour quitter la maison de bonne heure et me rendre près du bassin afin de me dissimuler derrière un amoncellement de rochers. Le soir venu, ils arrivèrent et passèrent un temps infini à se dire au revoir en minaudant. De quoi dégoûter même la plus addict des lectrices de romans à l’eau de rose tellement c’était pathétique.

Heureusement il finit par partir et je pus enfin voir l’ensorceleuse sous son vrai jour. En quelques secondes elle fut nue, totalement, à défaut de l’éternel foulard qu’elle n’avait jamais quitté devant nous. Lorsqu’elle le retira, je vis ce qu’elle cachait aux yeux de tous. Un bijou brillait au milieu de son front, une pierre précieuse qu’elle retira sans effort et cacha sous un gros caillou avant de glisser dans l’eau et de se transformer sous mes yeux médusés en un monstre ailé qui tenait plus du serpent que de la jolie sirène.
J’étais terrifié et lorsque je la vis s’envoler en laissant une trainée de feu derrière elle, je n’hésitais pas un instant. Je courus prendre le foulard et la gemme avant de quitter les lieux et rentrer chez nous au plus vite. J’allais prévenir mon frère et ensemble nous déciderons de ce que nous allions faire.

Son accueil ne fut pas du tout celui que j’espérais, il était furieux et m’en voulait d’avoir espionné celle qu’il aimait. En fait il savait. Dès le début elle lui avait dit qu’elle était une Vouivre et il avait gardé le secret par amour pour elle. Il m’avait trahi. De rage, je pris un marteau resté là et entreprit de détruire le rubis. Un sifflement inhumain retentit au-dessus de nos têtes, il se jeta sur moi pour défendre son trésor. Il n’aurait vraiment pas dû Monsieur le juge.

2 thoughts on “POUR L’AMOUR D’UNE VOUIVRE”

  1. La magie des légendes celtiques !
    La Vouivre est l’une de ces légendes.
    Merci pour ce joli texte ma Nath !

    1. Merci beaucoup Cilou, je ne savais pas que la Vouivre était d’origine celtique 😉

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