LES RÉFLEXES ARCHAÏQUES ET L’AUTISME : UN LIEN SURPRENANT MAIS ESSENTIEL

 

Depuis quelque temps, je m’intéresse aux réflexes archaïques — ces réflexes primitifs présents dès la naissance qui jouent un rôle fondamental dans le développement neurologique. Leur persistance au-delà de la petite enfance peut perturber la motricité, l’attention, les émotions ou encore la posture. Ce phénomène est particulièrement fréquent chez les personnes autistes, et pourtant, il reste largement méconnu.

Dans cet article, je vous propose un tour d’horizon des principaux réflexes archaïques qui peuvent persister, illustré par ma propre expérience, avec des explications détaillées et accessibles pour mieux comprendre ce qui se joue dans nos corps.

 

UNE DECOUVERTE PERSONNELLE

Depuis toujours, j’ai des comportements « bizarres » ou que ma famille cherchait à corriger.Par exemple, j’ai la majorité du temps, mes poings fermés avec les pouces à l’intérieur et je revois encore mon arrière-grand-mère avec sa fourchette assassine pour que je me tienne bien à table ou, de manière plus bienveillante, mon père prendre chacune de mes mains et les poser bien à plat de chaque côté de mon assiette. De la même façon, quasiment tous les soirs, je suis réveillée par un sursaut impressionnant au moment pile où je m’endors en ayant l’impression de tomber. Je suis également gênée par les contacts autour de ma bouche et j’ai souvent du mal à maintenir une posture stable sans me raidir ou m’affaler totalement.

Ce que j’ignorais, c’est que tous ces signes pouvaient être les manifestations d’une chose très précise : des réflexes archaïques non intégrés. En découvrant cela, j’ai commencé à observer mon corps différemment, ma curiosité éveillée par cette meilleure compréhension de moi-même. Et comme toujours dans ce cas-là, j’ai décidé je partager tout cela avec vous aujourd’hui.

 

QU’EST-CE QU’UN REFLEXE ARCHAÏQUE ?

Un réflexe archaïque (ou infantile) est une réponse motrice automatique déclenchée par une stimulation spécifique. Il apparaît très tôt, parfois même dès la vie intra-utérine, et participe au développement du cerveau et des connexions neuronales. Ces réflexes sont essentiels pour la survie du nourrisson (comme chercher le sein, s’accrocher, éviter une chute).

Mais à mesure que le cerveau se développe, ces réflexes doivent être « intégrés », c’est-à-dire inhibés par des structures cérébrales plus matures. Cela permet au corps de passer de mouvements automatiques à des gestes contrôlés, précis, volontaires. Quand l’intégration ne se fait pas correctement, ces réflexes peuvent continuer à se manifester, de manière souvent inconsciente, et créer des inconforts ou blocages importants dans la vie quotidienne.

Nous avons ainsi :

1. Le réflexe de Moro

Durée normale : naissance → 4 mois

Le réflexe de Moro est celui du sursaut. Il s’active lorsqu’un bébé est surpris par un bruit, une lumière, ou une sensation de chute. Le bébé écarte les bras, tend les jambes, puis se recroqueville. C’est un réflexe de survie. 

Symptômes persistants si réflexe non intégré

Hypervigilance constante Sursauts à l’endormissement Hypersensibilité sensorielle (sons, lumière, toucher) Anxiété diffuse et persistant

Petit test à faire chez soi : Allonge-toi sur le dos dans un endroit calme. Ferme les yeux et détends-toi. Si tu ressens une envie soudaine d’écarter les bras ou si tu sursautes dès que tu commences à t’endormir. Si tu es souvent dérangé·e par cette sensation de chute ou de panique au moment du sommeil, cela peut indiquer que le réflexe de Moro est encore actif en sachant que si cela se produit de façon occasionnelle ou isolée il s’agira plutôt de myoclonie d’endormissement normale.

2. Le réflexe d’agrippement (grasping)

Durée normale : naissance → 6 mois

Ce réflexe permet au nourrisson de s’agripper à ce qui touche sa paume, comme le doigt d’un parent. Il est vital pour la relation d’attachement. 

Symptômes persistants si réflexe non intégré

Poings fermés avec les pouces à l’intérieur Difficulté à relâcher les mains Tension chronique dans les bras, épaules, nuque Motricité fine difficile (écriture, manipulation)

Petit test à faire chez soi : Détends tes bras, puis observe si tes mains se referment spontanément lorsque tu es au repos. Essaie aussi de toucher ta paume doucement avec un objet mou : sens-tu un mouvement involontaire de fermeture ? Si tu gardes souvent les poings fermés ou les pouces rentrés sans y penser, cela peut être un signe d’un grasping actif.

3. Le réflexe de fouissement (rooting)

Durée normale : naissance → 4 mois

Lorsqu’on touche la joue d’un bébé, il tourne automatiquement la tête et cherche à téter. Ce réflexe disparaît normalement vers 3-4 mois. S’il persiste, il peut provoquer une hypersensibilité au niveau de la bouche, des joues, du cou, ainsi que des troubles de l’oralité, comme un réflexe nauséeux très sensible.

Symptômes persistants si réflexe non intégré

Hypersensibilité orale (joues, bouche, menton) Réactions vives au brossage des dents Rejet de certaines textures ou contacts faciaux Troubles de l’oralité

Petit test à faire chez soi : Passe doucement ton doigt ou un coton-tige sur ta joue ou près du coin de tes lèvres. As-tu tendance à tourner la tête, à ouvrir légèrement la bouche ou à ressentir une gêne instinctive ? Ces réactions automatiques sont typiques d’un réflexe de fouissement encore actif.

4. Le réflexe de Galant

Fonction : aide à la naissance et au développement du tronc

Ce réflexe est observé lorsqu’on stimule le bas du dos d’un nourrisson de chaque côté de la colonne vertébrale : il effectue une flexion latérale automatique. Ce mouvement permet au bébé de progresser dans le canal utérin lors de l’accouchement, puis d’acquérir la mobilité du tronc.

Symptômes persistants si réflexe non intégré

Difficulté à rester assis contre un dossier Réactions vives aux d’entures, étiquette ou vêtements serrés au bas du dos Posture penchée, tronc instable Agitation motrice, besoin constant de bouger Difficulté de concentration (corps toujours en alerte)

Petit test à faire chez soi : Allonge-toi à plat ventre. Demande à quelqu’un (ou utilise doucement un objet doux) de passer légèrement sur un côté du bas de ton dos, à quelques centimètres de la colonne. Si tu ressens un frisson, une envie de bouger ou une flexion automatique du tronc, le réflexe de Galant pourrait être encore actif.

5. Le réflexe tonique symétrique du cou (RTSC / STNR)

Durée normale : 6 mois → 11 mois

Ce réflexe aide à la transition entre l’action de ramper et celle d’avancer à quatre-pattes. La tête levée, bébé tend les bras et fléchit les jambes ; la tête baissée, il fait l’inverse. S’il reste actif, cela peut créer un déséquilibre entre le haut et le bas du corps, des troubles posturaux, ou des difficultés à coordonner les mouvements.

Symptômes persistants si réflexe non intégré

Mauvaise posture assise prolongée Coordination bras/jambes difficile Tensions cervicales, raideurs Fatigue ou maladresse motrice Déséquilibre entre le haut et le bas du corps

Petit test à faire chez soi : Mets-toi à quatre pattes (ou aussi droit que possible si tu es assis·e dans un fauteuil). Lève doucement la tête vers le plafond : sens-tu que tes bras se tendent et tes jambes se plient ? Puis regarde vers ta poitrine : tes bras se plient-ils et tes jambes se tendent ? Ces réactions sont typiques d’un RTSC encore actif.

6. Le réflexe tonique labyrinthique (RTL)

Durée normale : 6 mois → 36 mois

Lié au système vestibulaire (oreille interne), ce réflexe aide l’enfant à s’orienter dans l’espace.

Symptômes persistants si réflexe non intégré

Difficultés à rester en position droite Sensation d’insécurité ou de flottement Tension excessive ou hypotonie Fatigue chronique liée à un effort constant pour « rester droit »

Petit test à faire chez soi : Allonge-toi sur le dos puis observe si ton corps a tendance à s’étirer (bras, jambes tendus, dos qui se cambre). Puis allonge-toi sur le ventre et observe s’il se replie (bras et jambes pliés, tête rentrée). Si ton corps adopte automatiquement l’une ou l’autre de ces postures, ton RTL pourrait être encore actif.

 

EXEMPLES CONCRETS AU QUOTIDIEN

Voici quelques manifestations typiques qui peuvent alerter :

  • Avoir du mal à s’asseoir droit sans raideur ou effondrement
  • Sursauter violemment en s’endormant
  • Être très gêné par des étiquettes, ceintures, ou contacts dans le dos
  • Avoir les mains crispées sans s’en rendre compte
  • Réagir fortement au brossage des dents ou aux contacts près du visage

Ces comportements sont parfois vus comme des « manies », alors qu’ils peuvent s’expliquer par un système nerveux qui n’a pas encore intégré certaines étapes fondamentales de développement.

 

POURQUOI C’EST IMPORTANT D’EN PARLER

Ces réflexes non intégrés peuvent donner lieu à des incompréhensions, voire des jugements : on parle d’un enfant « mal élevé », d’un adulte « tendu » ou « hypersensible ». En réalité, il s’agit souvent de réponses corporelles involontaires, enracinées dans le fonctionnement du cerveau.

Chez les personnes autistes, cela peut amplifier :

  • Les troubles sensoriels (sons, lumière, textures)
  • Les difficultés motrices (maladresse, fatigue, tensions posturales)
  • L’anxiété chronique et la difficulté à se sentir en sécurité

En parler, c’est redonner une explication corporelle, parfois très libératrice, à des comportements qui ont longtemps été culpabilisants.

 

ET SI JE NE SUIS PAS AUTISTE ?

Il est tout à fait possible d’avoir un ou plusieurs réflexes archaïques persistants sans être autiste. Ces réflexes peuvent aussi concerner :

  • des personnes ayant vécu un stress prénatal ou une naissance difficile,
  • des enfants ou adultes avec des troubles de la coordination ou de la régulation sensorielle,
  • ou simplement des personnes chez qui le développement neurologique s’est fait différemment, sans pour autant relever d’un diagnostic spécifique.

 

En résumé : la persistance des réflexes n’est pas un « test d’autisme ». C’est un indicateur du fonctionnement corporel et neurologique, utile pour mieux se connaître — quelle que soit son étiquette ou son profil.

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