Un matin, dans la campagne jurassienne, une jolie petite grenouille verte sauta d’un nénuphar sur un autre nénuphar. Pas de quoi en faire toute une histoire me direz-vous et pourtant…
Alors qu’elle s’apprêtait à célébrer le printemps avec un mélodieux chant d’amour, elle repéra une appétissante et vrombissante mouche qui lui fit lancer sa langue afin de pouvoir la gober tout rond. Raté ! La grosse mouche, fâchée, s’envola aussitôt vers d’autres contrées non sans avoir lancer en sa langue une insulte bien sentie, que je me garderais bien de traduire ici. Son regard tourné vers l’agressif prédateur, elle fonçait tête baissée et alla directement se perdre dans la narine grande ouverte du fougueux étalon qu’un cocher en sueur venait enfin de réussir à atteler au fiacre dont il avait la charge.
Totalement paniqué, l’ombrageux animal rua des quatres fers et partit au galop droit devant lui, la voiture brinquebalant à sa suite. Le cocher appela à l’aide et, accompagné de tous les paysans travaillant alentour, il partit à sa suite à grands renforts de cris de de hurlements.
C’était l’époque des semailles et les corneilles à l’affût d’un larcin ou d’une rapine ne loupèrent pas l’occasion. Elles se précipitèrent pour faire bombance au grand dam de la vielle Yvonne qui, particulièrement superstitieuse, paniqua face à tant d’oiseaux noirs.
On venait d’installer le téléphone au café du village. Elle courut afin d’appeler son petit-fils, ce grand nigaud qui avait préféré quitter la sécurité des champs pour les dangers de la ville toute proche. Elle avait un mauvais pressentiment, elle devait à tout prix le prévenir et lui dire de revenir. Tant pis si tout le monde se moquait d’elle, un accident était si vite arrivé et les signes ne trompaient jamais.
Au café où Antonin avait ses habitudes, on envoya un gamin le chercher. Sa grand-mère voulait lui parler, question de vie ou de mort. Il se précipite, il angoisse, il panique, ne regarde pas la route avant de traverser et se fait renverser.
– Mais oui Monsieur l’agent, c’est comme je vous l’ai dit. Tué par un cheval emballé traînant les restes d’un fiacre. Ce sont des choses qui arrivent lorsqu’on n’est pas habitué aux dangers de la ville.